Outils

Griffe pliante
C'est la plus tardive de mes marottes : j'ai découvert l'intérêt de récupérer les outils voici une dizaine d'années.
Formidable témoignage de l'évolution technique allant du pratique au beau, l'outil procure de belles surprises : une marque enfouie sous la rouille, un mécanisme étonnant, une transformation hasardeuse d'un morceau de fer pour une quelconque utilisation...

La collection est visible lors d'ouvertures ponctuelles et des Journées du Patrimoine.


1. Préparation du sol
2. Semis & plantations
3. Abris & protections
4. Protection des cultures
5. Arrosage
6. Tailles et multiplications
7. Tonte & entretien
8. Récolte & conservation
9. Divers



Causerie du 19 septembre 2019 : Les outils horticoles

 

Si nous connaissons assez bien l’histoire des jardins, l’histoire des outils horticoles reste à écrire.

Au début tout est simple, l’homme fait connaissance avec les vertus de l’agriculture, aidé de quelques outils souvent en bois, en pierre, parfois en corne. Les premières représentations d’outils sur des peintures rupestres datent de 40 000 ans.

Le fer un matériau réservé pour la guerre.

Il faudra attendre l’an mil pour voir le début de l’utilisation du fer dans les outils. Ce métal est cher et utilisé presque exclusivement pour fabriquer des armes pour la guerre. Brûlons les étapes pour arriver vers 1500 quand Charles VIII revient d’Italie. Il apporte à Amboise l’art des jardins et fait venir un maître jardinier Don Pacello. Les outils sont mieux adaptés et plus divers permettant déjà d’économiser de la fatigue tout en effectuant un travail de meilleur qualité.


Figure 1 Marque du propriétaire

Le XVII siècle mettra le jardin à l’honneur avec la construction de Versailles, Vaux le Vicomte et beaucoup d’autres domaines à travers l’ensemble du pays. Cela demande beaucoup d’outils qui seront réalisés par les forgerons des villages. Ces outils appartenaient souvent au jardinier, qu’il emportait avec lui à chaque changement d’employeur. Sur certains nous pouvons lire des devises, observer des cœurs marqués sur l’outil, ou plus simplement les initiales identifiant le propriétaire.


Figure 2 Marre Alexis d'Orléans

Le XVIII siècle voit exploser le goût du jardinage, non seulement pour les rois ou les princes, mais pour toute la population aisée du royaume. De nouvelles plantes arrivent des contrées lointaines, tel les fougères, les orchidées, les arbres et arbustes d’Amérique ou d’ailleurs. Le verre fait son apparition dans les jardins permettant de cultiver de nouvelles plantes dans les serres ou orangeries. Tout ceci génère une activité spécifiquement horticole et bien entendu de nouveaux outils ou des outils plus perfectionnés. Les notions de pénibilité et de sécurité dans l’utilisation des outils sont bien présentes dans le choix et la conception de ces nouveaux outils car une blessure pouvait avoir de lourdes conséquences voici trois siècles.

L’industrie s’empare du commerce des outils

Le XIX ème sera le début de l’industrialisation. Bien sûr, il reste des forgerons pour fabriquer des outils sur commande, ou des chariots, brouettes, mais les industriels développent leur activité. Ils sont présents dans les expositions horticoles mises en place par les jeunes sociétés d’horticulture. Ils sont jugés, chacun apportant ses commentaires sur la maniabilité, l’efficacité, la robustesse et le prix des outils présentés. Peugeot à St Etienne date de 1810, Goldenberg en Alsace, Arnheiter ou Petit à Paris et bien d’autres arrivent sur l’ensemble du territoire.

Il suffit de feuilleter les figures de l’almanach du bon jardinier pour comprendre la diversité des outils disponibles pour nos jardiniers. M. Gougy d’Orléans est remarqué pour la qualité de ses croissants.

La grande innovation sera  l’apparition du sécateur qui arrivera en France vers 1817 et dans notre région vers 1840.

Le XXè siècle apporte une nouvelle étape dans l’histoire des outils avec le commerce par correspondance permettant aux fabricants de se faire connaître sur l’ensemble de l’hexagone. A cela il faut ajouter une évolution des techniques de production qui s’industrialisent, des clients plus lointains et plus exigeants souhaitant bénéficier tôt en saison de fruits et légumes de belle qualité, enfin des maladies et insectes venus d’ailleurs et modifiant de façon importante les méthodes de culture. Les outils ont su évoluer pour satisfaire l’ensemble de ces nouvelles contraintes.

Je vous propose de faire un petit tour d’horizon des outils utilisés suivant les étapes clés de à la production.

Le travail du sol : Voici sans doute les premiers outils, puissants, rustiques, classés dans trois familles.

Le défrichage : avec un emmanchement orthogonal, ce sont des outils à percussion, massifs, qui doivent résister aux chocs.

Figure 3 Catalogue Tissot 1899

Le défonçage : l’emmanchement est dans l’axe de l’outil. Ce sont les pelles bêche, ou les fourches-bêche permettant de moins peiner car l’outil est plus léger et respecte les racines des arbres ou de la vigne et aussi évite la multiplication des liserons ou du chiendent.

Figure 4 Serpe forgée avec une lime

Enfin les outils d’entretien avec des emmanchements variables suivant la destination de l’outil. La famille des houes qui se décline en une multitude de noms (marre, piochon, serfouette etc…). Dans notre région la marre reste un outil emblématique. Sa large plaque de fer peut atteindre 21 cm de large et 45 cm de long. Avec le piochon, et le kéroué se sont les trois compagnons du viticulteur de notre région. Le travail restait physiquement très pénible ; Avec un peu de chance vous pouvez trouver une marre estampillée ALEXIS à Orléans, ou mieux un tire pousse utilisé pour désherber entre les rangs. Dans les outils du travail du sol on trouve tous les petits outils tel la binette, le râteau et tous les outils à une main que sont les griffes à fleurs, binettes à fleurs utilisés par les amateurs de jardinage.

 Travailler le sol est nécessaire, mais pour semer, planter, de nouveaux outils sont mis à la disposition du jardinier. La région d’Orléans était réputée pour ses pépinières fruitières et forestières. En 1692 Abraham du Pradel estime à 200 000 le nombre d’arbres produits et vendus à Orléans. En 1712 Bruzeau sur Orléans, est reconnu comme un excellent pépiniériste, et outre les arbres et les arbustes, il vend aussi des « ranoncules, anesmones doubles, des tulipes, des jacintes doubles etc ». Si les plants de pépinière se trouvent facilement à Orléans (en 1784 Bruzeau propose 15 espèces d’arbres venus d’Amérique) les graines proviennent souvent de grainetiers tel Vilmorin, Truffaut, Thoreau pour Orléans et beaucoup d’autres qui grâce à leur catalogue vendaient par correspondance.

Les professionnels mettaient un point d’honneur à bien identifier leurs marchandises. Des étiquettes (surtout pour les arbres fruitiers) ont fait l’objet de recherche pour rendre indélébile et durable le nom des variétés (alliage d’aluminium, porcelaine, verre, bois etc). Les graines délicates étaient semées dans des terrines de semis avant d’être transplantées dans des pots en terre cuite. Les rayonneurs et les cordeaux complètent la gamme des outils nécessaires au parfait jardinier.

Toujours plus d’outils pour le jardinier.

Il ne s’agit pas de faire périr les jeunes plantes mais beaucoup d’embuches les attendent. Le froid en particulier. Dans un premier temps les cloches ont été fabriquées en terre puis en paille et enfin en verre. Il y avait le choix soit avec un bouton (plus facile à prendre, mais plus cher) soit sans bouton. Les cloches avec le bouton risquaient de réagir comme une loupe et griller le végétal censé être protégé, il faillait l’entourer d’un morceau de toile de jute pour éviter cet inconvénient. Les châssis vitrés ont permis aux professionnels de fournir des légumes primeurs sur le marché. Ils arriveront vers 1850 dans notre région.

Les insectes étaient aussi les ennemis jurés du jardinier. Les arboriculteurs utilisaient les pièges à guêpes suspendus dans les arbres, pour les raisins il existait des sacs en fil de fer tressé protégeant chaque grappe. Le gant Sabaté du nom de son inventeur était un gang en maille de fer utilisé pour enlever les vieilles écorces des pieds de vigne ( et parfois pour les arbres fruitiers) pour lutter contre la pyrale de la vigne hivernant sous forme de chenille sous les vieilles écorces.

Et puis bien sûr il y a la lutte chimique qui a modifié notre pratique et généré une importante industrie de matériels permettant d’épandre soit de la poudre, soit du liquide sur les végétaux.

Le début du XXè siècle est riche en inventions, le pagoscope en fait partie, breveté en 1905, ce thermomètre permettait de diagnostiquer les risques de gelées matinales à la simple lecture d’un thermomètre sec et l’autre humide.

Figure 6 Le pagoscope

L’arrosage était une activité importante, gourmande en temps et en fatigue. Avant l’arrosage intégré géré par minuterie, l’eau était distribuée avec des arrosoirs. Les premiers seront en poterie avec l’inconvénient d’être lourds et fragiles. Plus léger, solide et recyclable, le cuivre sera privilégié durant tout le XVIII et les trois quarts du XIXè siècle. Le zinc, encore plus léger et moins cher puis la tôle galvanisée supplanteront le cuivre. Dans les années 60 le plastique fera l’unanimité. Il a fallu attendre la fin du XIXè pour voir s’affirmer sa silhouette ovale économisant de la fatigue pour les porteurs. Il existait deux sortes d’arrosoirs, les uns avec un goulot mieux adapté pour les horticulteurs car ils permettaient d’arroser les pots sans mouiller le feuillage ; les autres avec une pomme pour les maraîchers effectuant des arrosages en plein. Par la suite la pomme fixe se désolidarisa de l’arrosoir chacun pouvant s’en servir à sa convenance. Vers 1880 la construction de réservoirs d’eau ont permis pour les professionnels de s’affranchir de l’arrosoir, gagner du temps et diminuer la pénibilité dans le travail.

Le sécateur, une révolution.

« Beaucoup coupe, peu taille » Laquintynie résume toute la science nécessaire pour l’entretien du verger dans son « instructions pour les jardins » paru en 1690. A cette époque la taille des arbres fruitiers était complexe avec ses différentes écoles. Le jardinier avait comme fidèle compagnon sa serpette, elle devait bien tenir dans sa main pour éviter de glisser et blesser son utilisateur. La poignée en corne de cerf était très prisée. La scie, autre outil indispensable au jardinier doit être étroite pour passer sans difficulté entre les branches. L’outil le plus spectaculaire et le plus récent

Figure 7 Sécateur Muinoz

du jardinier reste le sécateur, inventé en Angleterre et rapporté en France vers 1815 par le Marquis de Molleville. Il a fallu un siècle pour que le sécateur supplante définitivement la serpette. Certains lui reprochaient de générer des nécroses lors de la coupe, mais le travail était trois fois plus rapide et moins dangereux qu’avec la serpette. Le sécateur à lui seul peut faire l’objet d’une étude particulière. Le greffoir fait aussi partie de la panoplie du parfait jardinier. L’outil est souvent muni d’un écussonnoir, petite spatule en os, parfois en ivoire, permettant de réaliser des greffes en écusson. Des outils spécifiques existent pour pratiquer la greffe en fente, ou lors de la crise phylloxérique pour pratiquer la greffe sur table.

Figure 8 Tondeuse Coldwell

L’entretien des espaces verts a généré toute une famille d’outils spécifiques. Commençons par la cisaille, connue déjà pour le rognage de la vigne, elle va se diversifier avec la taille des haies. Au XIX ème siècle, elle est puissante, lourde, forgée à la main de l’utilisateur. Elle deviendra plus légère, fabriquée industriellement et de conception parfois étrange notamment celle venue d’Angleterre  munie d’une barre de coupe de 40 cm de large. Pour les travaux plus délicats, tel que l’art topiaire, des manches pouvaient s’adapter sur de simples ciseaux permettant un travail minutieux. L’arrivée de la tondeuse à gazon a facilité l’implantation de surfaces engazonnées. Au XVIII ème siècle les « boulingrins » étaient entretenus à la faux. C’est un anglais Edwin Budling qui en 1830 invente la tondeuse en s’inspirant d’une machine utilisée pour supprimer les bouloches sur les vêtements en laine. En France elle prendra son essor lors de l’exposition universelle de 1900 où l’importateur ayant pignon sur les Champs-Elysées sème devant son magasin une bande de gazon qu’il va entretenir tous les jours avec une tondeuse. Si le beau gazon doit être régulièrement tondu, il doit aussi être roulé. Des beaux rouleaux avec 2 ou 3 modules indépendants étaient beaucoup plus souples d’utilisation et n’arrachaient pas le gazon dans les virages. Pour une bordure bien découpée, rien de tel qu’un coupe bordure ou mieux encore la tondeuse spécialement conçue pour cet usage.

Je terminerai ce tour d’horizon des outils par la récolte avec les gouges à asperges, qui peuvent être des couteaux à asperges suivant la technique employée pour la récolte. Nous en trouvons régulièrement, façonnées à partir d’une vielle lime. Dans notre région la récolte de la fraise des quatre saisons se faisait dans de petits paniers en osier très caractéristiques aux couleurs et monogramme de la maison récoltante. Pour les amateurs de fruits, les cueilles-fruits très rustiques en bois ou plus élaborés avec un mécanisme pour attraper les fruits hauts perchés autorisent une multitude de formes pour la joie du collectionneur.

Tous ces outils sont autre chose que des bouts de ferraille. Ils ont été imaginés, fabriqués, utilisés pour certains réparés ou transformés dans le but de servir l’idée de l’homme. Beaucoup de connaissances disparaissent, il est urgent de préserver et transmettre ces savoirs si proches de nous et si éloignés des préoccupations de beaucoup de nos contemporains.

 

Patrick Mouré

Collection visible lors des journées du patrimoine (maison de l’horticulture à Darvoy)  ou sur demande.

 

Figure 9 Arrosoir en cuivre XVIII è siècle



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